Le TOTEM d'IRLANDE 3
Un matin de bonne heure dans la brume qui s’estompait, en parcourant la campagne lors d’une de ses inlassables promenades, dans une clairière au milieu des érables, des hêtres ou encore des saules, Milgrine aperçut Sean assis sur une grosse souche de chêne semblant s’entretenir avec quelques êtres invisibles.
Sean sans se retourner lui dit : « Bonjour Milgrine, approche. »
Milgrine en s’asseyant près de lui. « Bonjour Sean, mais comment m’as-tu reconnue ? Je n’ai pas fait de bruit pour ne pas te déranger et tu ne t’es même pas retourné. »
Sean : « Peut-être que j’ai reconnu ton doux parfum flottant dans l’air ou simplement que je pensais à toi et que j’espérais que tu viennes me rejoindre ou… »
Milgrine en l’interrompant : « Ou peut-être que tu te moques de moi. »
Sean : « Pas du tout ! »
Milgrine : «Et tu viens souvent ici ? »
Sean : « Le plus souvent possible. J’y venais déjà avec mes parents, mon frère et Morrigan quand nous étions enfants. C’est souvent ici qu’ils nous ont appris le véritable contact avec la nature ainsi que certaines lois de l’Univers.
Milgrine : « Et que vous ont-ils appris ? »
Sean : « Certainement la chose la plus importante de toutes : C’est qu’il n’y a rien que la Présence tout le reste n’est qu’illusions. Que nous devons sans cesse prendre contact avec Elle, qu’en Sa présence l’illusion de ce monde se dissout. Que c’est Elle qui s’occupe de tout, ce n’est pas nous qui faisons les œuvres, quand la Présence est contactée nous nous apercevons que tout est bien car Elle se charge de tous nos fardeaux et les ombres de l’illusion se dissipent.
Il y a longtemps ma mère tomba très malade, elle souffrait beaucoup, ses jambes s’ankylosaient lui donnant l’impression d’un carcan douloureux. Bientôt elle ne pouvait plus se déplacer et d’autres complications apparurent. Nous nous réunîmes avec mon père, nos parents nous dirent que tout cela n’était qu’une illusion et que pour la faire disparaitre nous devions prendre conscience qu’il n’y avait que la Présence et qu’Elle régnait dans toute la situation, que nous devions lui faire entièrement confiance, ne pas nous appesantir sur les apparences illusoires et nous en détourner résolument. La Présence n’avait jamais créé une chose telle que la maladie. Elle ne connaissait que la santé parfaite et l’harmonie en toutes choses. Comme le soleil il Est simplement et en sa présence il ne peut y avoir aucune ombre, sauf celles que nous y plaçons. En peu de temps tout rentra dans l’ordre. Ce fut une expérience très instructive.»
Milgrine : « C’est formidable cependant ce n’est pas toujours facile à réaliser. »
Sean : « Mais c’est une grande satisfaction et une joie infinie quand nous constatons l’activité de la Présence et son pouvoir unique. Cela avait sa raison d’être dans la mesure où il y fut démontré cette énergie infaillible de l’esprit sur toutes apparences négatives. Quand nous respectons les lois de l’Univers et nous mettons en accord avec elles, tout est possible. »
La discussion se continua sur le chemin du retour. Milgrine exprimant le souhait de visiter l’atelier, Sean l’y invita à y aller immédiatement puisqu’il s’y rendait justement.
En arrivant, Sean, lui fit les honneurs des lieux, lui indiquant l’espace de chacun et lui expliquant, dans le détail, le travail et la façon de faire des trois artisans réunis autour de Milgrine. Ils n’étaient pas avares d’explications sur leur méthode si personnelle pour chacun mais qui se rejoignait avec les autres quand à la conscience qui les animait. On sentait une volonté d’unité et un esprit d’harmonie palpable dans toute l’atmosphère qui régnait dans ce lieu de créations, parmi les odeurs merveilleuses de bois, de cire et de vernis.
Michael : « Quand l’oncle Oengus m’a proposé de m’installer ici je n’en croyais pas mes oreilles, l’endroit est si serein et spacieux. Nous avons discuté un moment pour savoir de quels instruments, matériaux et appareils j’avais besoin pour travailler le verre. Après avoir eu mon diplôme de maître verrier et avoir effectué plusieurs stages, comme à Baccarat entre autre, je voulais encore en effectuer un à Merano. A mon retour l’oncle Oengus et mes deux cousins par alliance m’ont fait l’énorme surprise de m’avoir installé ce magnifique atelier avec des fours et tout le matériel nécessaire, au-delà de mes espérances. Je ne les en remercierai jamais assez. Maintenant j’ai à ma disposition plus de mille nuances différentes de couleurs en feuilles de verres pour mes créations. J’adore créer des vitraux mais aussi souffler des vases ou autres objets, je réalise également des sculptures, surtout des animaux. Pouvoir composer des œuvres avec la lumière, les couleurs et leurs reflets est une satisfaction très valorisante. Le plus important dans tout cela c’est le travail spirituel de chaque instant qui me permet de faire ressortir de la matière du verre, l’âme qui la compose intrinsèquement pour transmettre une émotion positive et des vibrations de bonheur vers les personnes qui seront en contact avec ces œuvres, comme me l’a appris l’oncle Oengus. »
Manus continua : « Travailler dans cette atmosphère et ces conditions est un privilège dont nous essayons de nous montrer digne à chaque instant. Tout jeune mon père m’a enseigné, comme à mon frère, les bases du travail du bois et très tôt j’ai su que je devais me spécialiser dans la lutherie des violons. J’ai eu une longue conversation avec le Totem qui m’a conforté dans cette voie en me donnant tous les renseignements et indications dont j’avais besoin. Il m’a assuré que j’en éprouverai d’immenses satisfactions si je suivais les conseils pertinents de mon père. Ce qui c’est toujours vérifié au cours du temps. Nos instruments sont le prolongement de nos mains mais aussi de notre esprit et de notre cœur. A chaque étape de la confection j’y mets toute mon âme. Cela commence par le choix du bois auquel j’attache une attention particulière, que se soit les érables sycomores, les buis où les épicéas entres autres, je les choisi longtemps à l’avance avec la plus grande minutie et fait leur connaissance, comme me l’a enseigné mon père, en entrant en parfaite harmonie avec eux afin que s’établisse une certaine intimité entre nous et qu’ils parlent à mon esprit. Alors je leur explique ce que je compte faire avec eux. Je leur laisse tout le temps nécessaire et le moment de commencer le travail c’est eux qui le déterminent. Ensuite pendant toute la confection il s’établi entre nous un dialogue des plus fructueux. C’est un bonheur d’assembler après leur réalisation toutes les pièces. Le fond, les éclisses, la table d’harmonie pour composer la caisse de résonnance dans laquelle je place l’âme, le manche dont je personnalise la tête dit volute avec minutie et un soin particulier, j’ajoute le chevalet sur lequel reposerons les cordes, composées contrairement à une idée reçue non en boyaux de chats mais de moutons et maintenant en fils d’acier ou en fibre synthétique. Une fois réalisé l’archer en bois du Brésil avec du crin de cheval de Mongolie et le vernissage qui est une étape particulièrement importante, j’aime échanger et travailler avec l’instrumentiste lui-même pour obtenir la meilleure expression de l’instrument. Pour nous amuser avec Michael nous en avons réalisé un en verre mais le résultat, quoiqu’intéressant, ne nous donne pas encore toute satisfaction.
Milgrine : « Pourquoi puisque tu fabriques des violons, préfères-tu jouer de la cornemuse au sein du groupe ? »
Manus : « D’abord parce que Michael en joue beaucoup mieux que moi, ensuite parce que j’aime expérimenter d’autres sonorités. Dès que j’ai fini un violon je l’essaye souvent pendant des semaines pour vraiment saisir sa personnalité et pouvoir mieux le présenter à son acheteur. »
Milgrine arriva enfin à l’espace réservé à Sean pour la fabrication de ses harpes.
Sean : « C’est ici que mon père m’a transmis son savoir faire. Mais pour réaliser une harpe comme pour des vitraux ou des violons, il faut plus que de la technique, il est nécessaire d’avoir une connaissance spirituelle profonde. Établir un contact avec le bois et apprendre de lui sa nature, afin d’en extraire le meilleur. J’apprécie tous les bois et même si pour la table d’harmonie je préfère le sapin je travaille aussi avec mes amis les érables, les chênes, les hêtres. Après avoir confectionné les différentes parties, j’assemble la caisse de résonnance et le socle puis la colonne. Après cela je passe à l’étape du ponçage et du vernissage et évidement la pose des cordes. J’aime beaucoup les personnaliser en les sculptant selon ma fantaisie et mon état d’esprit. De temps à autre j’en confectionne une en bois de pommier, qui était un arbre considéré magique dans la tradition celte, sous lequel Merlin, poursuivi, se réfugia et qui le rendit invisible à ses ennemis, ce qui lui confère une aura de mystère. Mais évidement, comme pour les autres créations, rien de valeur ne peut se créer sans un état d’esprit de paix, d’harmonie, de respect et de sérénité si nous voulons transmettre des œuvres qui diffuseront des vibrations positives et inspireront des états d’esprit identiques chez ceux qui les recevront d’une façon ou d’une autre. »
Milgrine : « Merci beaucoup à vous trois pour toutes ces précisions, j’ai passé un excellent moment dans cette atmosphère que je ressens comme étant magique. Je pense que cela me servira dans mon prochain roman. Et j’aimerai beaucoup revenir car je suis sure que vous avez encore énormément à m’apprendre. »
Manus et Michael en chœurs avec un petit clin d’œil complice : « Ce n’est surement pas Sean qui s’en plaindra. C’est quand tu veux, cela nous fera toujours plaisir. »
Sean en courant rejoignit Milgrine sur la route et tout essoufflé lui dit : « Si tu es libre cette après-midi nous serions très content que tu viennes avec nous aux courses à Sligo. »
Milgrine : « Avec plaisir, je ne suis jamais allée aux courses encore. »
Sean : « Alors je passerai te chercher vers 13 heures. »
Milgrine : « Très bien, mais avant pourrais-tu me dire où habite le Dr Diancecht ? »
Sean un peu surpris : « Oui il habite le cottage juste après le tournant là-bas, mais comment le connais-tu ? »
Milgrine : « Oh c’est un ami qui m’en a parlé. »
Elle resta pendant plus de deux heures en compagnie du Dr Diancecht. Tous les deux lancés dans une passionnante et mystérieuse discussion dont les propos restèrent confidentiels mais apparemment enrichissants. »
Morrigan et Agate arrivèrent à leur tour chez Milgrine pour lui faire la même proposition que Sean et elle les informa qu’il lui avait déjà demandé de se joindre à eux, ce qui les fit sourire.
Agate : « Ne nous en veux pas, nous ne nous moquons pas de toi mais ne nous dit pas que tu n’as rien remarqué au sujet de Sean. »
Milgrine prenant un air ingénu : « De quoi parles-tu ? »
Morrigan : « Tu ne t’es pas aperçu combien il t’appréciait ? Depuis ton arrivée il est encore plus joyeux qu’avant, et ce n’est pas peu dire. Sean est un très gentil garçon, il a beaucoup de qualités et nous ne lui connaissons pas de défauts si ce n’est sa timidité, mais est-ce un défaut ? »
Coupant un peu leur élan Milgrine répondit en souriant : « Vous n’avez pas besoin de me vanter ses mérites. Bien sûr que je m’en suis aperçue et je dois avouer ne pas y être indifférente.
"La chanson d'Aengus" traduit par Jean Briat